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Questions à l'Académie de Médecine

Le 11 mars 2004 à l'Académie Nationale de Médecine (ANM), dans le cadre de la journée scientifique consacrée aux "RISQUES ALIMENTAIRES d'ORIGINE CHIMIQUE" organisée par le Groupe de Consertation entre Académies des Sciences de la Vie et de la Santé, un ancien du CHU de Fort-de-France a posé une question concernant la situation sanitaire aux Antilles et plus particulièrement en Martinique.

Question posée au Pr. Maurice TUBIANA (ancien Pt de l'ANM) à la suite de son exposé : Contaminants alimentaires chimiques et cancers.

" Je viens de passer 18 mois aux Antilles, région de France remarquable à plus d'un titre, mais où les exceptions épidémiologiques pullulent :
. obésité ;
. HTA ;
. diabète ;
. maladies psychiatriques ;
. etc.

Pourtant la Martinique est peut-être le département français où il y a le plus grand nombre de centenaires, autant qu'au Japon (Mémoire Gériatrie du Dr Jean-Pierre MARTIN). Il n'est pas certain que les jeunes actuels vivent aussi longtemps.

Il existe un registre du cancer en Martinique depuis 1983, créé par le Pr. AZALOUX et la situation et l'évolution locale ne sont pas vraiment les mêmes qu'en métropole (1).

Il y a relativement peu de cancers du poumons par rapport à la métropole : l'antillais fume peu. L'incidence globale était très inférieure à celle de la métropole. La situation change rapidement.

Ainsi l'incidence standardisée des cancers de la prostate a doublé entre les périodes 1981-1990 et 1991-1995. Et sur cette dernière période, elle était déjà le double de l'incidence métropolitaine.

A pratiquement doublé également, le cancer du colon. Les cancers de l'ovaire, du sein, les lymphomes, semblent également progresser plus que les autres. Tous ces cancers sont susceptibles d'être modulés (et/ou induits) par des substances chimiques (steroid-like, disrupteurs hormonaux, etc.).

Or les Antilles, tout comme la Guyane voisine, sont des départements sinistrés sur le plan environnemental :

  • pesticides
    . quantités déversées à l'hectare bien supérieures à celles de la métropole
    . utilisation continue de pesticides interdits depuis de nombreuses années tel que le chloredecone (cancérigène animal certain, foetotoxique, baisse de fertilité), dont un stock de plusieurs centaines de kilogrammes (~900) prêt à l'emploi a encore été retrouvé récemment (août 2002) dans une bananeraie martiniquaise ;
    . épandage aérien ;
    . forte rémanence des organochlorés dans les sols qui sont profondément pollués ;
    . passage important dans l'eau du réseau, puisque le traitement spécifique (charbon actif) dans les stations de traitement des eaux est (pratiquement) nul en Martinique et qu'il commence tout juste en Guadeloupe. Des taux pouvant atteindre 100 fois la norme pour un pesticide donné ont été enregistrés (Laboratoire Départemental d'Hygiène Fort-de-France).
  • aluminium dépassant couramment les normes OMS de 200 µg/L dans l'eau du réseau, jusqu'à 1 mg/L. Des taux atteignant 3 mg/L ont même été détectés. (D.S.D.S. Fort-de-France)
  • métaux lourds &
  • hydrocarbures en quantité dans la baie de Fort-de-France
  • etc. (2)


Nous sommes bien d'accord que rien de tout ceci ne prouve quoi que ce soit.

Cependant...

La Martinique est un département français où il existe une équipe d'épidémiologistes de très grande qualité. Peut-être serait-il temps de cesser de mener quasi-exclusivement des études épidémiologiques descriptives et de faire enfin des études épidémiologiques d'intervention et d'envergure ? La mise à niveau immédiate de toutes les stations d'épuration et de traitement des eaux pourrait être un premier objectif dont le bras de levier sanitaire est potentiellement considérable. L'étude d'impact serait facilité par le caractère d'isolat de cette île, avec extension rapide des acquis locaux vers les autres DOM-TOM (Guadeloupe, Réunion, Tahiti, etc.) où la situation est comparable à bien des égards.

Merci. "

(1) Association Martiniquaise pour la Recherche Épidémiologique du Cancer (AMREC)
http://www.biophysique-oncologie.com/pages/resultats.html

(2) http://www.environnement.gouv.fr/ifrecor/domtom/mapressf.htm & /domtom/matdmf.htm
http://www.futura-sciences.com/comprendre/d/dossier96-1.php
http://mapage.noos.fr/naturaliste/ps/premiere.htm

---
Autre question par le même intervenant posée précédemment au Pr. Maurice RABACHE (CNAM, Paris) à la suite de son exposé :
Hydrocarbures aromatiques(conséquences alimentaires des marées noires).

" Des effets synergiques avec amplification quasi-catalytique des toxicités peuvent survenir entre plusieurs classes de contaminants. Par exemple : métaux plus ou moins lourds et molécules organiques telles que pesticides, Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (additifs alimentaire ? plastiques ? antibiotiques ? etc.). Ainsi des anglais ont proposé que certains organophosphorés utilisés pour prévenir la maladie du varon (warble fly) pouvaient avoir une responsabilité dans l'Encéphalopathie Spongiforme Bovine en favorisant la substitution du cuivre par le manganèse dans la protéine prion.
http://www.mhr-viandes.com/fr/docu/docu/d0001889.htm

Qu'en pensez-vous ? Avez-vous des exemples concernant les HAP ? Il pourrait aussi exister des associations HAP-métaux ou métalloïdes favorisant leur métabolisation sans risque.

Merci. "

 

Réponse du Pr. TUBIANA envoyé par courrier électronique à l'auteur après que le texte précédent lui eut été adressé. Il s'était excusé de son audition un peu faible, n'avait pas bien compris la question et n'avait donc pu y répondre.

"Cher Monsieur,

Je réponds brièvement à votre question. La fréquence des cancers de la prostate et du colon, de l'ovaire et du sein sont très fortement influencés par le régime alimentaire (riches en graisses et en viandes), l'obésité, l'insuffisance d'exercice physique. Il me semble que c'est dans ce domaine qu'il faudrait rechercher en priorité.

Vous pouvez consulté les livres du CIRC de Lyon (Cancer in the Five Continents) pour comparer la situation de la Martinique à celle des Territoires ayant le même niveau de vie, la même occidentalisation du régime alimentaire et les mêmes caractéristiques ethniques (Sud des USA par exemple).

Croyez je vous prie en mes sentiments dévoués.

Professeur Maurice Tubiana "

Il se trouve que l'auteur de cette question a eu le Pr. TUBIANA (radiobiologiste) comme enseignant, quand il suivait la formation de Cancérologie Expérimentale du Pr. Georges MATHÉ (Médaille d'Honneur de l'Académie Nationale de Médecine 2004) à Villejuif. Il a aussi suivi les enseignement du D.E.R.B.H. de Cancérologie Expérimentale (option : virus oncogènes et tumeurs chimio-induites) justement à Lyon (en particulier au CIRC) et à Marseille. Son impression est que l'injonction du Pr TUBIANA de regarder ailleurs répond précisément à côté de la question. Le film (l'évolution récente et accélérée) dans un contexte plus que pollué,  empoisonnant même, paraît plus signifiant que les nuances de la photographie (alimentation, exercice, ethnicité...), nuances que l'on peut quasiment appliquer à n'importe quelle pathologie sans faire un gros effort intellectuel. Et pour les lymphomes, l'explication ne colle pas. Le principe philosophique dit du rasoir d'Ockham doit s'appliquer : il faut examiner d'abord et avec la plus grande rigueur l'explication la plus économique, pas la plus commune, qui pourrait répondre à la question posée.

Voici quelques autres éléments pour mieux apprécier les problèmes, qui ne sont pas spécifiques à la Martinique :

Proposition de résolution de 7 députés des Antilles (juin 2004) tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’utilisation du chlordécone et des autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne et ses conséquences sur les sols, la ressource en eau ainsi que les productions animales et végétales en Martinique et en Guadeloupe.  (fichier pdf 96 Ko)
Question du député Philippe Edmond-Mariette (circonscription du Lamentin) à l'Assemblée Nationale (JO du 16/03/2004) : La mutualité sociale agricole a annoncé le 11 février la mise en place d'un numéro vert Phyt'attitude pour l'ensemble des départements métropolitains dans le cadre de sa mission de surveillance des incidents et accidents liés à l'utilisation des produits phytosanitaires. Ce numéro vert n'est pas accessible pour les résidents des départements d'outre-mer. M. Philippe Edmond-Mariette souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la nécessité d'étendre ce numéro vert à la Martinique afin de permettre aux utilisateurs et victimes de produits phytosanitaires de signaler leurs inquiétudes gratuitement et de manière anonyme. Il tient à lui rappeler qu'il y a urgence pour ce faire en raison de la récente découverte d'indices élevés de pesticides organochlorés sur des poissons ainsi que la présence prouvée par les services de l'État de chlordécone dans les sols en Martinique due à l'extrême longévité du produit. Pas de réponse du ministre (sur le site de l'A.N.).
Les disrupteurs hormonaux. Certains pesticides (dont le chlordecone), résidus plastiques (phtalates, bis-phenols) et autres xénobiotiques (dioxine, ...) sous-produits de l'activité industrieuse humaine ont des activités hormonales faibles, mais significatives sur la faune (dont l'homme). Des anomalies commencent à se voir dans l'espèce humaine et le Pr. Sultan (endocrinologie pédiatrique) a fait des observations particulièrement inquiétantes sur des nouveaux-nés et jeunes enfants des environs de Montpellier : hypospadias, micropénis, pubertés très précoces (3mois !), pseudo-hermaphrodisme, etc. Le Pr. Sultan rencontré en novembre dernier lors d'un congès d'endocrinologie à Paris devait d'ailleurs venir en Martinique en janvier 2004. Endocrine disruption (une introduction en anglais)
La Martinique, la Guadeloupe, la Réunion se disputent le privilège d'être les dernières régions d'Europe [ultra-périphériques (...) il est vrai] à continuer à utiliser le paraquat
Les Antilles contre le paraquat. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) le désigne comme " l’un des produits chimiques les plus dangereux au monde ". (lien externe)
Une protestation réitérée de la Suède en août 2004.
L'herbicide de tous les dangers (lien externe)
Le paraquat selon l'INRS (fichier pdf 180 Ko)
Une relation entre les pesticides et les pathologies nerveuses et psychiatriques en croissance accélérée ? Les Antilles ne sont pas épargnéess par des dernières dont l'incidence globale est plusieurs fois supérieure à celle de la métropole. Le rhum, l'alcool au sens large, le crack, les drogues... ont peut-être le dos un peu trop large pour tout expliquer : les pesticides, les hydrocarbures, les autres polluants sans oublier l'aluminium pourraient bien avoir une part de responsabilité locale non négligeable, pour peu qu'on se donne la peine de les envisager. Une étude parue dans Public Health «résumée» ici et là :
Pollutants cause huge rise in brain diseases (pdf 39 Ko) Source: The Observer, 15/08/2004 (lien local)
Une chimie qui monte à la tête (pdf 76 Ko) Source: Libération, 16/08/2004. (lien local)
Pesticides dans les avions. Depuis quelques mois, la vaporisation de pesticides au cours des vols de retour vers la métropole a repris pour éviter le passage d'insectes éventuellement porteurs de pathologies tropicales. Ces vaporisations sont précédées d'annonces vantant la parfaite innocuité des produits utilisés (perméthrine entre autres). Malheureusement, les spécificités de ces produits ne sont pas respectées et l'exposition humaine est bien supérieure à ce qu'elle devrait être. Une discussion animée et argumentée sur un forum de l'e-Toile est une assez bonne introduction du problème : www.volcreole.com/forum/sujet-13542-0-asc-15.html

Approbation de l'expérimentation humaine des pesticides sur des volontaires Testing Pesticides on Humans Given Qualified Endorsement Science (2004) 303:272-3 (fichier pdf 170 Ko) Voila ce qui arrive quand l'expérimentation humaine perd la notion d'essai clinique avec bénéfice individuel direct contre le concept de bénéfice/risque, qui poussé à son extrême peut signifier bénéfice supposé pour la population / risque certain pour quelques individus bien ciblés (économiquement faibles, déficients de tous ordres, privés de liberté, malades en phase terminale), éventuellement dédommagés (...), dont le consentement (ou celui de leurs ayant-droits) aura été parfaitement éclairé, cela va sans dire. À ce propos, voir la réforme de la loi dite Huriet-Sérusclat (décembre 1988) sur l'expérimentation clinique  qui a été discutée cette année 2004 dans les 2 Assemblées pour mettre le droit français en conformité avec la Circulaire Européenne 2001/20/CE (fichier pdf 155 Ko). Ce qui apparaît le plus flagrant comme changement avec l'abandon de la distinction entre essais « avec » ou « sans » bénéfice individuel c'est la libéralisation extrême (à mon avis) des conditions d'essais cliniques pour les mineurs et les majeurs hors d'état d'exprimer leur consentement, en particulier chez les enfants où l'accord d'un seul parent suffira désormais...
« Primum non nocere », croyions-nous avoir compris.

 

http://internat.martinique.free.fr/question_academie_medecine.htm
création le 07 septembre 2004
dernière modification le 12 septembre 2004

 
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http://pla.ce.bo.free.fr Le placebo dans les essais cliniques. Pour essayer d'y voir un peu plus clair.
http://sili.cium.free.fr Biologie du silicium. Relations avec le vieillissement.

 

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